lundi 13 mai 2019

Festival de danses masquées au monastère de Lamayuru

Lors de notre voyage dans le nord de l’Inde, en 2013, notre objectif était de découvrir le petit Tibet Indien, Le Ladakh! Nous espérions aussi pouvoir assister à l’un de ces fameux festivals bouddhistes hauts en couleur où les moines s’adonnent à des danses rituelles appelées "Chams".


Nous avions eu la chance d’en voir un tout petit aperçu au Temple du Dalaï-lama à Mc Leod Ganj en 2011 et rêvions d’en voir davantage!



Comme toujours, nous n’avions pas prévu d’itinéraire précis. Il nous fallait déjà traverser le Jammu&Cachemire et attendre l’ouverture de la route pour le Ladakh! Si tout se passait bien, nous avions prévu d’assister au festival de Lamayuru qui avait lieu cette année-là du 3 au 6 juin. Nous avons eu de la chance, tout s’est merveilleusement bien enchainé!

Lamayuru, c’est vraiment une de nos étapes coup de coeur ! Nous y avons passé 8 jours, 8 jours absolument fabuleux, riches en belles rencontres et en découvertes!


Yung Drung Tharpa Ling, le Gompa de Lamayuru


Le minuscule village de Lamayuru s’étend autour d’une petite colline surmontée du vieux et très photogénique complexe monastique. Ce serait l’un des plus vieux du Ladakh. Ambiance très "Moyen-Age", complètement hors du temps!

Bienvenue à Lamayuru!


à l'intérieur du gompa principal - la salle de prières (pujas)

La légende raconte qu’à l’origine (à l’époque du Bouddha Sakyamuni) se trouvait un lac rempli de Nagas et au bord de cet immense lac, une petite colline (si ça vous dit quelque chose, c’est normal, l’histoire du stupa de Katmandou commence de la même façon!).

Madhyantika, un missionnaire bouddhiste, se rendit au lac pour faire des offrandes aux Nagas. Le lac se fissura et laissa s’échapper toute l’eau, laissant ainsi d’étranges formations rocheuses autour de la colline. Il prédit qu’à cet endroit les enseignements du Sutra et du Tantra seront unifiés et enseignés.

au creux de la vallée, dans un paysage lunaire, le village de Lamyuru

ensemble se stupas et chemin de circumanbulation avec les moulins à prières

les vieux (très vieux) moulins à prières
à l'intérieur du gompa, l'entée de la salle des prières

Plus tard, dans les années 1000, Le sage Naropa visita ce lieu. Il y resta longtemps, en retraite, dans une grotte sur la colline. Le site devint hautement sacré (encore plus oui).

Vers 1038, le célèbre traducteur Rinchen Zangpo (958-1055) fit construire des temples sur cette colline.

Aujourd’hui, en plus du gompa et du complexe monastique, se trouve un centre de retraite un peu plus haut dans la montagne. Des retraites de 3 ans, 3 mois, 3 semaines et 3 jours qui expliquent pourquoi certains moines ont des cheveux longs (voir carrément des dreadlocks) et une barbe!

l'entrée du complexe de Lamayuru
plus haut, les centre de retraite et de méditation

ici, au coeur du complexe, la place où se déroule le festival

à l'intérieur de gompa, dèrière une petite vitrine, la fameuse grotte de Naropa

Voilà  donc comment tout aurait commencé!

Aujourd’hui le gompa appartiens à la lignée Drinkung de l’ordre Kagyupa, ou Drikung Kagyu (les Bonnets Rouges). Ce sont les disciples de Gampopa, lui-même disciple du yogis Milarepa. Et si on remonte un peu plus loin dans la lignée, on retrouve le fameux Naropa.


Bon, après tous ces noms compliqués (et je vous promets, j’ai essayé de faire au plus simple, tout en restant le plus précis possible) venont-en à ces fameuses festivités!

Les Chams, festivals bouddhistes magiques!


Pour faire court, et simple, les Chams sont des danses rituelles très anciennes, extrêmement complexes (précises) et codifiées. Elles ont pour but de détruire le mal, avec amour et compassion! Elles purifient et servent aussi d’enseignements pour les fidèles.


C’est un mélange de coutumes prés-bouddhiste, venant fort probablement du Bôn (la religion chamanique du Tibet). C’est d’ailleurs une spécificité du bouddhisme Tibétain, appeler aussi Vajrayana, "Véhicule de diamant". (Oui je sais, ça fait encore plein de noms bizarres…)

C’est un rituel magique, une sorte de prière géante en mouvement !


Car oui le Vajrayana est plein de magie et de mysticisme ésotérique. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est si passionnant je trouve, mais aussi si complexe et compliquer à expliquer "vite fait bien fait".

Mahakala  - " le Grand Noir"

Il faut savoir que dans le bouddhisme tibétain, il y a tout un tas de divinités plus ou moins effrayantes (dites «courroucées ») avec tout un tas d’attributs bien particuliers, dont beaucoup d’armes. On les utilise pour visualiser et comprendre comment l’esprit fonctionne en quelque sorte. S’ajoute à cela tout un tas de maitres, yogis et autre gurus de grandes importances aux origines plus ou moins vraisemblables, souvent mystiques où mythologie et réalité s’entremêle.

Les fameux masques les représentent et c’est comme cela que l’on peut comprendre l’histoire que les danses racontent.


Pour que le rituel fonctionne, il faut aussi de la "musique" (mis en guillemets, car pour beaucoup, il s’agit plus de sons étranges que de mélodies) accompagnés de prières et d’offrandes!

Les jours qui précèdent les danses, les moines préparent tout un tas d’offrandes. Elles serviront lors des Pujas (cérémonies). Les Pujas ont lieu tous les jours dans les monastères, mais sont beaucoup plus "puissantes" (importantes) lors des festivals. Elles commencent vers 4h du matin.
C’est aussi le moment où les moines bénissent les masques avant les danses.

Atelier "bricolage" au monastère ! Moulage, découpage, peinture... pour la préparation des Tormas (gâteaux sacrificiels) et autre figurines en beurre et/ou en tsampa (pate de farine d'orge) dans la joie et la bonne humeur!



L’ouverture officielle du festival commence deux jours avant les chams.  

Ce jour-là, un immense Thangka* est déployé dans la cour du monastère. C’est un moment très important, car c’est le seul jour de l’année ou les fidèles pourront le voir. Un cortège, composé de moines en habit d’apparat et de villageois et villageoise en costumes traditionnel ladakhi (ici avec les fameuses coiffes "cobra" recouvertes de turquoises) amènent, au son des trompettes, l’énorme rouleau de soie. Il est hissé au sommet du bâtiment. Petite à petit, l’image est dévoilée. Le Thangka de Lamayuru représente Jigten Sumgön (ou Jigten Gönpo), le fondateur de la lignée Drikung Kagyu coiffé du fameux « bonnet rouge »!

*Les Thangkas sont des peintures sur tissu qui reproduisent des images bouddhistes. Le mot Thangka en tibétain signifie "quelque chose de roulé".



Les moines entament de nouvelles prières et les fidèles viennent rendre hommage en accrochant une écharpe de soie blanche sous le thankga.

Une fois les prières terminées, le thankga est réenroulé et reconduit dans le monastère. C’est d’ailleurs tout un bazar pour arriver à le faire passer par la porte! Coordination, précisions, un vrai challenge!

Le deuxième jour, c’est le jour des répétitions. Les moines dansent une dernière fois sans masque ni costume. C’est génial, car ce jour-là, il n’y a pratiquement personne! Comme on est là depuis quelques jours déjà et que nous avons sympathisé avec certains d’entre eux, c’est vraiment très sympa de les voir danser à visage découvert!



Troisième jour, rendez-vous matinal pour assister à la première puja du matin. Nous arrivons vers 6h, en sachant qu’ils ont déjà commencé depuis deux bonnes heures. C’est fantastique et en plus on arrive juste pour le prassad (offrande de nourriture), du thé au beurre et un mélange de riz et fruit secs.
Petite déception, nous ne sommes pas les seuls touristes dans la sale (bah oui!). Le shooting a déjà commencé pour certains! Car oui, il faut bien l’avouer aujourd’hui et demain, le flux de touriste arrive. De vrais paparazzis, pour la plupart peu soucieux de ce qui les entourent et qui ne semblent pas comprendre qu’il s’agit là d’un rituel magique de grande importance plus que d’un simple show. Triste, très triste…


Il faut aussi savoir que les danses, une fois commencées ne s’arrêterons que tard dans la fin d’après midi. Assis sur le béton, nos fesses en ont pris un sacré coup! Les cymbales retentissent, les trompettes et les tambours résonnent, c’est vrai que c’est très particulier! Des ogres aux visages rouges ouvrent la cérémonie...




Les Divinités font ensuite leurs entrées et se mettent à tournoyer dans tous les sens, un poignard dans une main une coupe crânienne dans l’autre. Par moment, en guise d’interlude, les ogres et d’autres gens masqués viennent ajouter une pointe d’humour et de légèreté (et d'explications) à toute cette cérémonie. Nous ne comprenons pas grand-chose, mais les ladakhi rigolent beaucoup! C’est un peu comme les clowns au cirque, entre deux spectacles.



C’est long, très long… et c’est rebelote le lendemain! Pour le coup, on a pris le temps de bien déjeuner avant et on est arrivé un peu plus tard. Quelle foule de nouveau, encore plus de monde que la veille!  Aujourd’hui c’est la danse des chapeaux noirs, la danse de notre cher Guru Padmasambhava! (Maître mystique indien qui introduisit de bouddhisme au Tibet). C’est le personnage le plus vénéré après le Bouddha.


les moines habillés pour la danse des chapeaux noirs !


Un final meurtrier qui laisse sans voix!


Les chams s’achèvent lors du rituel de "la mort de l’égo". Une à une les divinités courroucées, vont porté un coup (coup de poignard, d’épée, d’arc à flèche…) sur l’effigie d’une femme enceinte (faite en tsampa).

l'ego, tué à la racine, avant même de naître!

C’est vraiment gore et si on ne sait pas que la femme enceinte représente l’égo et les divinités armées, les différents moyens de s’en défaire, c’est même très trash! Une fois complètement détruits, les restes sont jetés en l’air. Là, tout le monde en profite pour ramasser les bouts qui "porteront chance" pour l’année à venir, parait-il!  Des tormas sont disposés sur les symboles magiques dessinés au sol et détruits aussi. Quel final!! 


On est plein de poussière et de courbatures, mais wouahhh quelle joie d’avoir pu assister à tout ça! On vient de réaliser un autre rêve, incroyable, intense, fabuleux!



un autre rêve réalisé, par ici -> Fêter Holi, le festival des couleurs en Inde!

2 commentaires:

  1. M A G N I F I Q U E !! Merci beaucoup de pouvoir regarder en "comprenant" un peu mieux ! Et quelles couleurs... quelle patience !! Merci !

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